Depuis plusieurs semaines, les habitants d’un vieil immeuble de cinq étages ne pouvaient plus dormir la nuit. Des hurlements lugubres résonnaient dans la cage d’escalier, provenant de l’appartement du troisième étage où vivait un homme solitaire, Victor.
Au début, les voisins pensaient qu’il s’agissait d’un chat, puis d’un chien. Mais ce cri était différent — trop profond, trop humain, comme un gémissement de douleur. Les gens déposaient des plaintes, appelaient la police, mais Victor ne répondait jamais à la porte.

Une nuit, les hurlements devinrent si forts que tout l’immeuble fut réveillé. Effrayés et irrités, plusieurs voisins montèrent ensemble et frappèrent à la porte de Victor. Aucun son. Un silence pesant. Alors, ils appelèrent les policiers.
Les agents arrivèrent rapidement et, après plusieurs tentatives infructueuses, décidèrent de forcer la porte.
Dès qu’ils entrèrent, une odeur étrange envahit le couloir — un mélange d’humidité et d’animal sauvage. Le sol était couvert de sacs déchirés contenant des restes de viande, des bols d’eau métalliques traînaient un peu partout. Les papiers peints étaient arrachés, les meubles griffés. Mais aucun animal en vue.
Les policiers avancèrent prudemment jusqu’à une porte entrouverte d’où provenait un grondement sourd. Quand ils la poussèrent, la scène les figea :
Victor se tenait là, pâle, les traits tirés, les yeux rougis. À ses côtés, une énorme silhouette grise : un loup, vivant, bien réel, appuyé contre sa jambe.
Victor parla d’une voix rauque. Il expliqua qu’il avait trouvé le loup plusieurs mois plus tôt, blessé par des braconniers dans la forêt.
Incapable de le laisser mourir, il l’avait ramené chez lui, soigné, nourri, protégé. L’animal avait survécu, mais chaque nuit, il hurlait de nostalgie, appelant la meute qu’il ne reverrait jamais.
Les voisins, tétanisés, écoutaient sans y croire. Certains filmaient, d’autres se signaient. Le loup, pourtant, ne montrait aucune agressivité — seulement une profonde tristesse dans ses yeux jaunes.

Les agents hésitaient. Garder un tel animal en appartement était illégal, mais la complicité évidente entre l’homme et la bête les désarmait.
Finalement, une solution fut trouvée : les responsables d’une réserve naturelle furent contactés. Le loup y serait transféré et Victor, en reconnaissance de sa dévotion, se verrait offrir un poste de soigneur.
Lorsque les spécialistes arrivèrent, le loup monta calmement dans la cage de transport, jetant un dernier regard à Victor. Celui-ci resta immobile, les larmes aux yeux, jusqu’à ce que la camionnette disparaisse au coin de la rue.
Ce soir-là, l’immeuble retrouva son silence. Mais personne n’oublia cette nuit où, derrière un simple mur, ils avaient découvert une histoire de loyauté plus forte que la peur.